L’engagement Radical aujourd’hui

On peut comprendre que l’engagement Radical apparaisse à beaucoup comme un anachronisme.  Le plus vieux parti politique de France fait partie de l’Histoire. Son action se confond avec la fondation de notre démocratie. Sa famille de pensée a tenu les premiers pas des Républiques. Les élections ont usé plusieurs générations de ses élus sur les bancs parlementaires. On ne compte pas les anciens présidents du Conseil… Mais ces temps glorieux sont depuis longtemps passés ! Alors, comment peut-on encore être Radical, au début du XXIème siècle ?

Se poser cette question, c’est d’abord poser celle de l’adhésion. Comment devient-on Radical ? Souvent par hasard et amitié, car le discours Radical est trop rarement identifiable. Pas suffisamment différenciant, en tout cas. La lumière est encore faible, la maison n’est pas localisée toujours avec beaucoup de précision… Et pourtant ! L’engagement Radical se réaffirme peu à peu. Pourquoi ? Parce qu’il possède un atout considérable : sa doctrine est d’une modernité stupéfiante ! Si tout le monde ne formalise pas cette modernité, beaucoup d’entre nous en ont l’intuition…

 

 

Une doctrine d’une stupéfiante modernité 

 

Aucune doctrine politique ne peut se comprendre comme un dogme. Elle est vivante, plus ou moins selon les circonstances et les hommes et femmes qui la font exister. Et répond, plus ou moins, aux enjeux de l’époque. Aujourd’hui, la doctrine Radicale bénéficie d’une chance unique…

 

Nous nous trouvons en effet, au début du XXIème siècle, dans un monde très proche de celui qui a vu le Radicalisme naître et s’imposer. La mondialisation n’a pas été inventée à la fin du XXème siècle : elle existait au XIXème ! Après un siècle de nationalismes et de cloisonnements, nous sommes à nouveau dans un environnement d’ouvertures et d’internationalismes, mais dont chacun mesure les limites et les dangers. Or, le Radicalisme s’est construit sur l’idée de ce monde là, sur l’ambition de parvenir à réguler ce monde là, à contenir ses dangers ! Comprenons l’importance de cette position : elle signifie que le Radicalisme est certainement, parmi les doctrines politiques, l’une des mieux placées pour apporter des réponses aux interrogations que se posent nos concitoyens.

 

Nous pouvons donner des clés de compréhension du monde tel qu’il est à une opinion qui a perdu ses repères !  Nous pouvons contribuer à organiser politiquement un monde dominé par l’ambition mercantile ! Nous pouvons réussir la synthèse de l’individualisme et de la solidarité. Nous pouvons, par notre pratique de l’action politique, réussir la synthèse entre l’indispensable compréhension du monde (globale) et les préoccupations quotidiennes (locales). Nous pouvons rétablir l’unicité entre la politique du haut et celle du bas, aujourd’hui éclatées ! Nous pouvons réconcilier les citoyens avec la politique…

 

Pour nous en convaincre, apprécions l’incapacité du parti socialiste, s’efforçant de concilier l’individualisme du libéralisme, et le social du socialisme post collectiviste ! L’impasse doctrinale est évidente. Le parti socialiste n’est pas en train de revoir son logiciel : il est en plein bug informatique ! En comparaison, le parti Radical possède, lui, dans ses bagages, les programmes pour fabriquer le logiciel capable d’assumer l’individualisme et le social. Cela ne tient qu’à nous de le travailler et l’imposer. Cette chance historique suppose aussi d’en accepter les enjeux…

 

 

L’obligation de réussir vite 

 

Le premier enjeu est que le monde a échoué à la fin du XIXème siècle et au XXème. Nous, Radicaux, avons échoué. Pas seuls bien sûr, mais nous avons certainement notre part de responsabilité. Cela a coûté très cher à notre pays et à l’humanité. Le risque, c’est donc d’abord un deuxième échec, qui serait cette fois peut-être définitif ! Le monde qui prend conscience de ses limites, qui prend la mesure de ses interdépendances, qui découvre son unicité et ses disparités, s’inquiète de ses excès, doit aller vite pour structurer une éthique de la responsabilité et une conscience politique adaptées qui s’imposerait à chacun. Nous avons perdu déjà beaucoup de temps…

 

Le décloisonnement du monde a offert sur un plateau la planète à des intérêts particuliers, essentiellement économiques et financiers, par nature cyniques et impatients. Le politique, non seulement n’a pas encadré cette libération, mais elle a même parfois confondu vitesse et précipitation ! Il faut d’urgence se reprendre. Que la conscience politique prenne la mesure de l’intérêt mercantile, de l’opportunisme individualiste, et de ses influences multiples. Sous peine de grandes désillusions collectives…

 

Cet enjeu donne une importance considérable à l’ambition que nous devons avoir, en tant que Radicaux. Cela dépasse très largement les petites querelles mesquines, les résistances pour préserver son petit pouvoir ou les manoeuvres pour l’obtenir ! Cela oblige à la conviction. A l’humilité. A la gravité. Au rassemblement. A l’enthousiasme aussi, de savoir que non seulement on peut agir, mais que l’on doit le faire. Cela oblige à l’ambition. Et au travail, car il ne suffit pas de ressortir les vieux discours ou de s’appesantir sur les gloires passées pour faire du neuf avec du vieux ! Il nous faut accepter le risque d’échouer en assumant notre responsabilité directe. Cela suppose d’accepter de perdre. Cela suppose aussi de prendre la mesure du pays dans lequel nous inscrivons nos actions …

  

  

La lucidité de se remettre en cause

 

Le deuxième enjeu est hexagonal. Il relève de notre devoir absolu et semble tout aussi brûlant que la conscience des dangers du monde : la France d’aujourd’hui est redevenue une société d’Ancien Régime. Cette France là – oui, celle dans laquelle nous vivons – ressemble à s’y méprendre à la société contre laquelle s’est battu le Radicalisme historique. Le système s’est reconstitué : les grandes entreprises imposent très logiquement la défense de leurs intérêts face à l’intérêt général. De nouveaux privilégiés ont remplacé leurs prédécesseurs en sachant imposer la logique reconductible de leurs corps. Le nouveau Tiers Etat est toujours toute notre société. Il ne pèse une nouvelle fois rien du tout dans son organisation et sa direction. Et il aspire à prendre sa place. Les Radicaux ont un impératif de représentation et d’action dans ce pays-là !

 

Rappelons-nous que les premiers Radicaux ont fondé leur légitimité sur la défense du faible contre le fort. Pour la Justice et l’Equité, contre l’Arbitraire et l’Injustice. Contre les Conservateurs, contre tous les Pouvoirs, dès lors qu’ils s’étaient figés dans le privilège au lieu de servir l’intérêt général. Les Radicaux sont les héritiers de la Révolution française. C’est une responsabilité majeure…

 

Rappelons-nous aussi que les Radicaux sont légitimes pour rappeler les principes de notre République. Ce qui a été fait n’est peut-être plus à faire, certes, mais c’est parfois à rétablir ! Nous devons contrecarrer les intérêts des puissants lorsqu’ils contredisent l’intérêt général. Nous devons lutter contre ceux qui abusent de leurs prérogatives pour protéger un intérêt personnel. Nous devons lutter contre tous les démagogues qui s’engouffrent dans la brèche de la frustration et de l’angoisse pour s’opposer aux principes de notre République. Nous devons nous opposer à l’ignorance qui peu à peu ébranle le socle de nos règles essentielles. Nous devons empêcher la confusion des rôles entre la politique, l’économique, la justice, le spirituel et rétablir la primauté du politique… Mais une politique affranchie. Nous devons renverser les règles qui pérennisent la puissance des forts (toujours les mêmes) contre les faibles (toujours les mêmes). La rente des installés contre ceux qui s’installent.

  

L’engagement Radical est tout le contraire d’une utopie passée ou d’une action politique dépassée. C’est un pragmatisme d’une très évidente modernité. C’est aussi une triste nécessité. Triste car la raison d’être du politique aurait été d’éviter d’en arriver là. De mieux comprendre l’évolution du monde. Ses déviances. Nécessaire car la raison d’être du politique est de traiter les urgences du monde avant qu’elles s’imposent à nous ! Une politique accomplie, c’est une Révolution (avec tous ses drames et ses aléas) en moins…

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