Sectes : l’opportunisme, vecteur de totalitarisme !

Le  débat sur les sectes, relancé par les déclarations pour le moins maladroites d’une conseillère du président de la République il y a quelques semaines, révèle une nouvelle fois la difficulté d’appréhender le phénomène sectaire. En réalité, contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette difficulté ne résulte pas du caractère impénétrable, abscons, incompréhensible du phénomène, mais au contraire du fait qu’il incarne la forme totalitaire d’un opportunisme à l’œuvre au cœur de nos sociétés modernes…

 

Qu’est-ce qu’une secte ? Un mouvement spirituel ? Beaucoup semblent plus s’occuper de santé, de « bien être » psychologique, de formation ou d’informatique que d’une doctrine spirituelle… Et une religion n’est pas forcément sectaire. Un groupe fermé ? Beaucoup sont connues pour leur prosélytisme et leur propension à créer des événements promotionnels… Et des organisations non sectaires sont réputées à juste titre pour l’étroitesse de leur porte d’accès. La secte peut être renfermée sur elle-même, autarcique et parfois (mais pas toujours) suicidaire. Mais elle peut aussi être tournée vers l’extérieur, organisée pour l’échange et l’influence. Un mouvement sous l’emprise d’un gourou ? Certains chefs de groupe, entrepreneurs, politiques, syndicalistes, artistes, pourraient n’avoir rien à envier aux gourous en matière d’emprise… L’escroquerie et les abus en tous genres ? Les sectes n’ont bien sûr pas le monopole des délits… Les critères pourraient ainsi se multiplier, sans que l’un d’entre eux ne permettent de les délimiter…

 

On comprend dès lors le souci de la justice de poursuivre une secte sur la base de délits constatés, et la difficulté de procéder à une analyse systématique qui permettrait de la distinguer, de la repérer et de la combattre « en tant que telle »… Même une approche plus politique nous renvoie en écho d’autres exemples historiques : une secte, c’est une forme totalitaire d’organisation de pouvoir qui empêche l’existence d’une opposition, individuelle ou collective… Comme le nazisme, le stalinisme ou toutes les dictatures, qu’elles soient fondées au nom d’un dirigeant ou d’un peuple ! Psychologiquement, l’une des caractéristiques de la secte est de pousser l’adepte à abandonner, conscient ou inconscient, tout ou partie de son esprit critique, en faveur d’un chef, d’une organisation ou d’une doctrine. Cette réduction du champ de vision ne coupe pas obligatoirement l’adepte de toutes ses facultés. Elle lui change le regard qu’il porte à son environnement, le bouleverse, sans le métamorphoser systématiquement en zombie. Suffisamment pour que ses proches le remarque et s’alarme. Insuffisamment pour que lui-même se sente sous la menace de la manipulation à peine entamée … et déjà achevée ! Mais ne trouve-t-on pas pareil effet dans toute conversion ou choc de vie ?

 

On le perçoit bien, au-delà de ces raccourcis qui ont pour objet d’illustrer la difficulté de l’exercice visant à déterminer une secte : la secte accumule et concentre des déviances que l’on trouve ailleurs dans notre société. Des abus qui, au contraire de l’exclure de notre société, nous en renvoie une vision monstrueuse, comme un miroir déformant. Mais l’image renvoyée, même caricaturale, c’est la nôtre ! Et ce germe que la secte nous renvoie de nous-même, c’est celui d’un opportunisme totalitaire latent…

 

Car la spécificité de ce nouveau sectarisme, est qu’il a trouvé avec l’opportunisme un vecteur de puissance, et avec la mondialisation un terrain à sa mesure ! Nous sommes très loin du schéma, spectaculaire, inquiétant et dangereux pour les adeptes, mais inoffensif pour la société, des sectes des années soixante, se réfugiant par petits groupes d’égarés hors du monde, figées dans une idéologie chloroformée. Nous sommes en face d’une pandémie évolutive en permanence, qui  profite de la perte des repères de nos sociétés et d’un opportunisme mené au bout de sa logique pour infecter le corps sociétal… à mesure que l’opportunisme lui-même devient l’un des moteurs de l’existence ! Une secte est une organisation totalitaire à géométrie variable dès lors qu’elle a l’ambition de se développer : elle existe par la religion, puis par la médecine, puis par l’action sociale… Elle change de « marque », ou en crée au sein de filiales, en fonction des opportunités de développement et du marché à conquérir.

 

Les sectes sont de plus en plus difficiles à délimiter car elles poussent à l’extrême des pratiques que l’on peut trouver à la marge dans d’autres organisations qui n’ont pas de nature sectaire, mais peuvent parfois partager avec elles certaines pratiques opportunistes contestables, pour un marché de plus, un bénéfice supplémentaire, un succès important, un pouvoir plus effectif… Les outils sont les mêmes s’ils sont utilisés pour d’autres buts : le marketing pour identifier (orienter) le besoins des cibles, puis les satisfaire ; l’encadrement des personnels, des adhérents (la manipulation des adeptes) pour démultiplier les effets de campagne et tenir les « troupes » ; la multiplication des campagnes de communication pour se construire une image positive… et détourner l’attention des buts prioritaires, moins avouables ou honorables ! L’opportunisme, s’il n’est pas limité par une conscience et une éthique, a vocation a devenir totalitaire. Il n’a, par nature, aucune limite, dès lors que nous ne lui en donnons pas…

 

Cet opportunisme caricatural des groupes sectaires a pour miroir l’opportunisme policé de nos sociétés. C’est celui qui nous dicte la mise en sourdine les droits de l’homme pour un marché économique, ou se drape des droits de l’homme pour servir d’autres buts, se dope pour une médaille olympique, ou envahit un pays pour de fausses raisons. C’est celui qui fragilise la cohésion sociale pour privilégier la compétitivité immédiate des entreprises, qui ne peut s’empêcher de jouer quelques milliards sur les marchés spéculatifs (comment résister au profit facile ?) pour optimiser une rentabilité mais limite dans le même temps l’accès au crédit à ceux qui en ont le plus besoin, qui conserve inoccupé des logements ou favorise implicitement la spéculation immobilière quand tant de familles sont déjà en bas de l’immeuble, face à la rue…

 

On le comprend bien, cet opportunisme à vocation totalitaire nous touche aussi individuellement, et peut tous nous tenter, quand il s’agit de mettre sa conscience et son éthique de côté le temps d’une promotion de carrière, d’un petit avantage indu, de l’élimination d’un concurrent… L’esprit critique se limite aussi à l’intérieur, avec la bonne conscience dans la poche. Nul besoin d’être victime de manipulation… d’un autre que nous-même !

 

Voilà pourquoi, aujourd’hui plus encore qu’hier, il est décisif de se battre pour des valeurs. De refuser le « tout préparé d’avance », les « chasses gardées », les combines à la petite semaine qui empoisonnent la vie. Voilà pourquoi, bien au contraire d’être un « non problème », les sectes nous alertent tous sur des pratiques qui pourraient, demain, insidieusement, devenir les vecteurs d’un nouveau totalitarisme ! Et dont nous pourrions, nous aussi, être les vecteurs. Voilà pourquoi tout ce qui s’oppose à l’esprit critique de l’individu doit être combattu. C’est le premier devoir du politique.

 

Patrick HERTER – 15/04/2008

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Réponse à la laïcité positive

Plus d’un siècle après le vote de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, le pays a changé. Les repères historiques ont disparu de la mémoire collective ; les principes fondateurs, qui n’apparaissent plus référents, ont perdu de leur clarté… La réalité quotidienne offre aujourd’hui l’image d’une société qui ne sait plus tout à fait pourquoi elle est laïque et ce que cette laïcité signifie en principes et en pratiques. D’où le risque de la voir instrumentalisée… La réalité internationale semble aussi nous indiquer que la laïcité est inaudible en dehors de France, comme une exception ou un mythe. Ce qui pourrait la rendre illusoire, la rend en fait indispensable…

 

La laïcité n’est pas un sujet d’annonce. Elle n’entre pas dans l’espace de réforme. La Laïcité est bien trop importante pour être instrumentalisée ! En réalité, la question de la laïcité doit être abordée sur trois plans indissociables de même importance:

           Celui des principes, pour réinscrire la laïcité comme référent intangible

          Celui de la politique, pour réaffirmer la réalité collective de la laïcité

          Celui du terrain, pour la faire vivre au quotidien des individus 

La laïcité, un référent intangible 

La laïcité n’est pas une valeur à géométrie variable, qui épouserait le cours du temps, et évoluerait à loisir. Elle est un principe intangible qui fixe la République et organise la vie collective en-dehors de la sphère religieuse. Elle n’a pas à s’adapter en fonction de l’évolution des rapports de force, de l’émergence de telle ou telle religion,  d’une pratique ou d’un rite spécifique, pour composer une laïcité modulable, « à la carte »… Ce caractère universel, fondamental, s’impose à toutes les religions car il est seul à composer, par-delà la spiritualité et dans la liberté des cultes, le terreau de notre collectivité. Ce n’est pas à la laïcité de s’adapter dans ses principes au monde spirituel : c’est aux religions de s’adapter au monde réel, dès lors qu’il y aurait contradiction ou opposition. Ce qui était vrai hier l’est toujours aujourd’hui, et tous doivent le savoir.  Bien entendu, le principe de réalité nous oblige, sinon à revenir sur le principe, à prendre la mesure des chemins à parcourir par chaque religion. Toutes ne sont pas dans la même situation. Le vécu de la séparation des Eglises n’est pas le même chez les Catholiques, les Protestants, les Juifs ou les Musulmans ou d’autres. L’expérience de la laïcité n’est pas identique pour tous non plus… Ce constat nous oblige à prendre conscience qu’en l’état de notre société – laquelle a trop longtemps négligé ses principes par intérêt ou négligence – la réaffirmation de la laïcité peut heurter certains fidèles et certaines religions. Cette situation, qui justifie à elle seule la réaffirmation du principe intangible, rend aussi indispensable un relais politique pour l’accompagner… 

Le politique, la réaffirmation collective de la laïcité 

La laïcité n’est pas ce monstre froid qui a mangé les curés… et qui aujourd’hui mange l’imam. Elle donne à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire. Mais cette liberté n’existe que parce qu’aucune religion n’a de légitimité à interférer dans le débat public. Et que chacune doit accepter les règles que la laïcité impose. Cet équilibre, original et magnifique, fragile aussi dans un monde ouvert aux souffles des prophètes, mérite qu’on le défende. Le politique doit s’y employer beaucoup plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent. Il doit être là pour rappeler le principe intangible. Il doit être là pour ne pas céder aux pressions, à la facilité démagogique face à des communautés inquiètes de ne plus pouvoir vivre leur foi tout à fait comme elles le voudraient, ou à la résistance (opportuniste ou sincère) de ceux qui crieraient au retour des « anticléricaux » ! Le politique doit être là pour symboliser le caractère collectif du principe, par-delà ses attaches partisanes, spirituelles, ses origines sociales ou géographiques.  Le politique doit aussi être là, et c’est indispensable, pour expliquer la laïcité. Il doit faire œuvre de pédagogie historique pour expliquer la laïcité à ceux qui ne la comprennent pas ou mal, et ne pas attendre que les religions expliquent ce que doit être la laïcité pour être acceptable… Il faut au politique de l’écoute, certes, pour prendre la mesure des incompréhensions, des résistances. Mais surtout de l’intelligence et de la conviction, pour faire comprendre à l’opinion toute la tolérance d’un principe qui nous relie les uns aux autres, et dont la condition d’être justifie aussi des contraintes qu’il impose aux religions du réel. Relais entre le principe et le terrain, le politique est un acteur majeur de la laïcité. Mais lui-même doit pouvoir s’appuyer, dans le quotidien des vies, sur d’autres acteurs essentiels… 

La laïcité sur le terrain, la laïcité au quotidien 

Un principe réaffirmé et un politique investi ne suffisent pas à faire vivre la laïcité au quotidien. Il y a nécessité de s’appuyer sur le maillage associatif, sur le terrain, sur l’échange individuel, pour parvenir à placer le principe au cœur de la citoyenneté. C’est un plan décisif, car c’est là que se situe l’enjeu véritable. Nous devons rassurer les croyants, repousser les intégrismes, réconforter les laïcs, raffermir les conditions du « vivre ensemble » en expliquant les règles du « vivre ensemble ». Sans concession, mais en humanité. Et cela passe par des événements locaux, des publications de proximité, des rencontres, des témoignages, des visites.  C’est dans cette convergence entre le principe universel et intangible, le relais politique et l’action de terrain, que la laïcité peut se réaffirmer avec le plus d’efficacité. Comme il y a un peu plus d’un siècle, un effort de tous doit être fait pour que le quotidien soit vecteur du principe. Et que le principe s’incarne dans le quotidien.  Sachons aussi faire de ce sujet un atout, un facteur de cohésion, un repère d’existence collective. Nous le pouvons, car nous en avons l’expérience historique, par-delà les conflits, les querelles, les blessures. Et si des religions doivent apprendre à vivre dans la laïcité, d’autres ont déjà accompli ce chemin avant elles. Si des croyants s’inquiètent de ne pouvoir croire, d’autres croyants ont compris qu’ils pouvaient croire dans une société laïcité. Justement pour certains parce qu’elle est laïque. Tout cela, c’est un vécu que nous pouvons partager et transmettre. Pour autant, nous le constatons, des résistances existent, qui s’opposent à la laïcité dans les principes ou la pratique.

La nécessité d’une réponse ferme sur les principes et pédagogique dans la pratique 

Le débat sur la laïcité renvoie à la question des pratiques cultuelles de religions et de courants qui n’ont pas vécu la séparation des Eglises et de l’Etat et s’y opposent, par ignorance ou doctrine. Comment répondre à cette situation ? La réponse républicaine doit être à la fois pédagogique et intransigeante… Comment répondre à la résistance de religions ou de courants dont la doctrine semble se révéler, au moins en partie, inconciliable avec les principes de la laïcité ? La pire réponse serait de considérer qu’il y a une place, « dans » la laïcité, pour des pratiques dérogatoires et ainsi d’amender les principes. Ou bien de faire de la laïcité un vecteur de religiosité en considérant qu’il y a une place, « à côté » de la laïcité, pour une religiosité politique. Dans les deux cas, de transformer un principe intangible fort en un cadre empirique faible et relatif…  En réalité, la France n’a aucun complexe ni d’hésitations à avoir en ne dérogeant pas aux principes laïcs. D’abord, parce que la laïcité est un pilier de notre République, et que l’une ne s’affaiblira pas sans l’autre. Ensuite, parce que la laïcité est aujourd’hui un point d’ancrage, un point de force, dans un monde où la politique instrumentalise la religion jusqu’à l’horreur, et où la religion est parfois tentée de s’occuper directement des affaires du monde… 

Par ses principes, la laïcité n’est pas un vecteur de religiosité, ce sont les religions qui sont des vecteurs de laïcité… 

La laïcité dispose d’atouts considérables pour surmonter  les chocs cultuels, et faire comprendre à des religions qui n’ont pas connu l’expérience de la séparation son caractère fondamentalement positif, malgré ses règles intangibles et les contraintes qu’elle leur impose.  L’un de ces atouts primordiaux, que l’on aurait grand tort de mésestimer, c’est l’expérience historique de la laïcité par d’autres religions qui l’ont affrontée longtemps, ont finalement dû s’y soumettre, mais ont su exister sous ses règles sans avoir jamais perdu leur « âme » ou leur « vertu », bien au contraire. Aujourd’hui, ces religions sont devenues des vecteurs de laïcité… pour les réticentes ou les inquiètes ! En sécularisant des principes spirituels et en les sortant du jeu de pouvoir temporel, sans les empêcher d’exercer une œuvre sociale proche des valeurs d’humanisme, la laïcité a donné aux religions un espace de liberté, de concorde entre elles, qui n’entre pas en contradiction avec leurs aspirations légitimes. L’espérance républicaine laïque et humaniste ne peut être déjugée par l’espérance des Eglises qui prêchent la tolérance et ont renoncé au pouvoir temporel ! Mais toutes les religions et leurs courants n’ont pas atteint cette maturité… 

Il est urgent de connaître de façon exhaustive la liste des rites et pratiques qui entrent en conflit avec les principes de la laïcité 

Pour d’autres courants religieux, qui ne peuvent accepter pour des raisons de doctrine ni la rupture qu’elle impose avec l’action politique ni les contraintes pratiques qu’elle exerce sur les croyants, la laïcité reste inacceptable, même si d’autres religions la supportent. Que faire ?  Il importe me semble-t-il de comprendre d’abord ce qui oppose, car l’intransigeance sur les principes et la détermination sur l’objectif à atteindre n’empêchent pas, bien au contraire, d’aborder les points de difficultés avec pragmatisme.  

Cela implique :  

          de dresser la liste exhaustive des sujets réels d’achoppement : un état des points de crise, courant après courant, religion après religion, pratique après pratique… ;

          d’évaluer si ces points sont fondamentaux pour la pratique religieuse, du point de vue de la doctrine ;

          d’évaluer si ces points de tension s’opposent réellement aux principes de la laïcité.   

Dans un deuxième temps, il faudra assumer politiquement et financièrement : 

          l’interdiction des pratiques contraire à la laïcité ;

          l’accompagnement (information, enseignement, financement…) des évolutions indispensables aux religions acceptant d’évoluer pour respecter les principes laïcs. 

Ces quelques points abordés rapidement, on peut s’interroger enfin sur le caractère universel de la laïcité, à une époque et dans un monde où le pouvoir politique se confond aussi souvent avec le pouvoir religieux, et où le religieux s’affirme aussi fréquemment comme un facteur justificateur des conflits, parfois même déclencheur. Les analyses ne manquent pas pour souligner l’exemplarité du modèle français, mais aussi  son caractère exceptionnel…  

La laïcité hors de France, la possibilité d’un mythe ?

Se pose alors la question de sa promotion aux autres. Qui comprend la laïcité, à l’extérieur de nos frontières ? Bien peu de responsables étrangers, nous disent les témoins. Faut-il pour autant considérer que ce modèle n’est pas « exportable », et qu’il ne peut concerner que nous mêmes ? Certainement pas !   

Le monde subit la double attraction de la globalité et de la division :  

– le global nous relie les uns aux autres, quelle que soit notre origine, notre situation et notre histoire, dans un « tout planétaire » un peu flou et inquiétant. Nous sommes d’un même monde – les frontières n’arrêtent pas les nuages… Et dans ce monde clos, que nous percevons chaque jour un peu plus dangereux, nous nous sentons tous enfermés. Solidaires, victimes ou responsables. De moins en moins d’indifférence et de plus en plus d’anxiété… 

– la division se nourrit de cette globalité : dans ce « tout » qui emplit jusqu’à l’effacement de soi, qui inscrit comme une valeur la relativité des choses et des êtres, nous sommes tentés de nous crisper sur ce qui nous différencie et nous divise, pour exister encore. Pour rétablir des repères fixes. Pour refuser l’acte subi. Et réinventer de nouvelles frontières, derrière lesquelles un espace ouvert existera encore… Ces divisions nous entraînent aux conflits de défense ou de conquête, aux conflits de pouvoir sur le monde et les autres… 

C’est justement parce que le monde est confronté à cette double attraction de la globalité et de la division que la laïcité, comme la performance durable, apparaît comme une valeur universelle d’une intense actualité ! La globalité doit être rattachée à un sens collectif pour ne pas être anxiogène. Ce sens collectif doit être compatible avec les facteurs de division pour les surmonter. Deux caractères propres à la laïcité, qui porte la valeur de tolérance universelle et s’affirme, par essence, « religio-compatible » ! Ainsi, c’est parce qu’autant de conflits s’affirment comme religieux, qu’autant de sociétés, de pays, de continents, se divisent sur des prétextes ou pour des motifs religieux, jusqu’à faire exploser le monde… que la laïcité s’affirme comme un élément clé de l’avenir du monde, d’une globalité plus responsable, plus maîtrisée, respectueuse des croyances et des différences. Comme un facteur de réunion, par-delà les différences et les croyances.

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Le deuxième souffle radical

Inspirateur et fondateur de la République démocratique et laïque il y a plus d’un siècle, le radicalisme trouve en France, aujourd’hui, les conditions d’une nouvelle influence. A la triple condition de ne pas succomber à l’ambition des personnes, de travailler à la modernité de sa doctrine… et de ne manquer ni d’audace ni de courage !

Le radicalisme, une idée d’hier ? 

« Une République démocratique », écrivait Léon BOURGEOIS, « c’est un Etat social fondé sur la liberté de chacun et la solidarité de tous ». Si la formule est aussi célèbre, c’est qu’elle résume à elle seule le coeur de la pensée radicale. Synthèse du socialisme et du libéralisme, le radicalisme s’oppose autant au collectivisme du « tout Etat » qu’au laisser faire de « l’Etat passif ». Etonnante modernité d’une pensée qui considère que tout part de l’individu, mais que rien ne se construit sans conscience collective. Qu’au droit de chacun de se réaliser répond un devoir de solidarité à l’égard de tous, à la mesure de ses moyens et de ses réussites ! Que le premier devoir, c’est l’instruction ; que la première exigence, c’est le principe d’équité ; que la première évidence, c’est le respect égal dû à l’être humain, sans distinction de race, de couleur ou de réussite…

Ces principes humanistes fondent aussi des relations internationales, non plus régies par la loi du plus fort, mais par la conscience universelle de sa responsabilité. Par la conviction absolue que l’humanité est liée en une communauté de destin, qui oblige les nations, par-delà leurs seuls intérêts. Quelle modernité encore, au siècle de la mondialisation et du changement climatique !

Le radicalisme, une idée en devenir!

Pour autant, ces principes d’individualité, de solidarité ne sont rien sans le principe de réalité. Celui-ci permet au radicalisme d’éviter l’utopie ! Avec lui, le radicalisme impose, pas à pas, une République démocratique et laïque et accomplit le projet politique de la philosophie des Lumières et des valeurs de 1789 : liberté, égalité et fraternité. A l’individu, qui « pense » donc qui « est » (liberté), le radicalisme propose un cadre de valeurs qui le placent au centre de la société, mais associé à la communauté des hommes égaux (égalité) et, à ce titre, en solidarité avec eux (fraternité).

Cette œuvre réalisée il y a un siècle trouve une nouvelle actualité aujourd’hui, à une époque de flou, d’incertitude, d’opportunisme et parfois d’amnésie à tous les niveaux de responsabilités. Cette oeuvre appelle les Radicaux au devoir de mémoire et au devoir d’ambition. Avec le triple objectif de réaffirmer les principes fondamentaux (dont la laïcité) qui nous lient, nous repèrent, et constituent le socle de notre collectivité. Mais aussi d’apporter une réponse politique à l’individu qui « est » donc pense avoir « le droit », et oublie trop souvent qu’à l’autre bout du même contrat il y a la responsabilité et le devoir. Enfin de soutenir et renforcer sur le terrain toutes les actions concrètes, celles qui font vivre les grands principes dans la réalité du quotidien !

Ainsi, le radicalisme pourra réconcilier l’incontournable aspiration individualiste et l’indispensable solidarité. Et ainsi souffler une deuxième fois sur la France.

Patrick HERTER – Parti radical 78

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La laïcité positive, négation de la République…

C’est peu d’écrire que la déclaration du président de la République à Rome, en décembre dernier, a semé le trouble dans les esprits. On ne peut d’ailleurs s’en étonner : Nicolas SARKOZY y a évoqué « les souffrances » provoquées par la loi de 1905, un texte dont l’interprétation de « liberté », de « tolérance », de « neutralité » est « une reconstruction rétrospective du passé ». Le chef de l’Etat a affirmé sa volonté d’assumer les « racines chrétiennes » de la France tout en « défendant la laïcité ». Une « laïcité positive », qui doit comprendre que les religions sont « un atout », car « la morale laïque risque toujours de s’épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration à l’infini ». Et le président de la République de conclure en affirmant sa conviction que les Français sont « en attente de spiritualité, de valeurs, d’espérance »…

 

La République, c’est la sécularisation des inspirations spirituelles, pas l’inverse ! 

Ce discours stupéfiant a déclenché une vague de protestations argumentées pour rappeler ce qu’est la laïcité. Ou plutôt ce qu’elle devrait être, si ses principes étaient défendus… par le premier des responsables politiques du pays ! La laïcité n’est pas « positive », elle doit être neutre. Le chef de l’Etat, en tant que tel, a un devoir de réserve. Les religions sont placées, pour lui comme pour chacun d’entre nous, dans la sphère privée. Cette disposition de principe n’est pas affaire de sectarisme : il ne s’agit pas de les rejeter ou de les combattre. C’est l’expression d’une confiance politique qui sait pouvoir séculariser les aspirations spirituelles individuelles, quand elles existent. Nicolas SARKOZY a tort de penser que la République a besoin des valeurs de transcendance des religions. Non parce que l’on doit les exclure, mais justement parce que la transcendance est aussi une valeur de la République, et qu’il n’y a nul besoin de se référer à une religion pour apporter sa pierre à l’édifice ! Le Bien et le Mal ne sont pas qu’une affaire de religion. Et la morale existe hors de l’Eglise. Faut-il rappeler que si la France s’est construite sous l’influence de l’Eglise, elle s’est aussi construite sous l’influence des Lumières, contre l’obscurantisme religieux !?

Comment expliquer alors cette volonté présidentielle de rapprocher le religieux et le temporel ? D’appeler la religion, en soutien de la République ? Pourquoi le président, si critique à l’égard de la repentance, s’est-il empressé de reconnaître les souffrances causées par la laïcité « aux catholiques, aux prêtres, aux congrégations » ? Ne s’agirait-il pas en réalité de redonner un supplément d’âme à notre République « défaillante » ?

La République n’a pas besoin d’un supplément d’âme 

Dans ce cas, l’affaire est grave. Car ce qui nous rassemble tous, indifféremment de notre éventuelle religion, c’est la laïcité de notre République. Plutôt que de faire du religieux la béquille de la République, mieux vaudrait réordonner autour des idées républicaines les références collectives. La République syncrétique, ce patchwork des religions du monde, est un fantasme dangereux, car il porte en lui le germe des divisions et des pires conflits ! La dérive du président de la République est sérieuse, car elle contribue à affaiblir les repères, le terreau historique de notre société moderne, basé non sur la croyance mais sur la raison. Sur la capacité de notre société à porter le progrès, à favoriser la réalisation de l’individu, à construire les solidarités indispensables. Le facteur de rassemblement, ce n’est pas la religion (laquelle ?), c’est la République ! Le facteur de transcendance qui nous occupe en politique, ce n’est pas la religion, c’est la République ! L’intérêt de notre pays, c’est que les Français le comprennent, adhérent à ses valeurs et la défendent contre les extrémismes et les fanatismes. Rien ne compte plus, que ce ciment républicain. Il se suffit à lui-même. Le parti Radical doit le rappeler avec force.

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Subprimes, Société Générale : quand l’éclatement d’une bulle se transforme en bombe politique et sociale…

Il me semble, à la lumière de notre histoire, que le parti radical fait œuvre utile chaque fois qu’il permet à notre société d’avancer ou de résister, à l’individu de s’accomplir, à la solidarité de soutenir ceux qui sont dans la difficulté. Il me semble aussi, toujours à la lumière de notre histoire, que le parti radical se perd lorsqu’il protège les puissants contre les faibles, les intérêts privés contre l’intérêt général. Alors, la complaisance à l’égard des affaires nous détourne de notre mission première. La méfiance due à la puissance nous tétanise. Et le goût du pouvoir finit d’étouffer nos convictions… Avec la double crise « Subprime / Société Générale », nous sommes au cœur de cette problématique. Pour quelle raison ?

Bien au-delà de la sphère financière et du microcosme parisien, l’éclatement du double scandale « subprimes »/« Société Générale » est une véritable bombe politique et sociale. Car les faits démontrent que derrière la façade d’extrême rigueur de leurs agences, les banques procèdent à des opérations de spéculation, en totale contradiction avec ce qu’elles imposent à leurs clients. Dans un climat social agité par l’angoisse sur le pouvoir d’achat et la difficulté d’entreprendre, cette révélation ne pouvait pas tomber plus mal, et on aurait tortde la sous¬estimer…

La logique bancaire du « toujours non sauf si… », du « donnez moi votre argent et je vous le prêterai contre intérêt »-post -naufrage du Crédit Lyonnais du « toujours oui »-n’était justifié que par la maîtrise du risque. Elle seule, en obligeant les banques à se placer dans la logique économique de « précaution », permettait aux Français de penser que les milliards de bénéfices dégagés par les institutions financières depuis tant d’année étaient le fruit de leur prudence et de leur rigueur. Elle seule leur faisait accepter – non sans s’en plaindre – les conditions draconiennes pour obtenir un prêt, un accompagnement financier ou une autorisation de découvert. Elle seule justifiait d’être « lâché » du jour au lendemain par son agence « de proximité », par obsession de prudence…

On le comprend bien : aujourd’hui, avec ces affaires le masque symbolique est tombé. La double crise des subprimes et de la Société Générale révèle une rupture du contrat moral implicite qui liait les banques à leurs clients, mais au¬delà à notre collectivité toute entière, car le système bancaire bénéficie de largesses innombrables, d’une protection permanente et bienveillante des pouvoirs publics –ce qui pourrait supposer certains devoirs. L’affaire est gravissime : les Français qui avaient déjà le sentiment de ne pas être suffisamment soutenus par leur banque ont maintenant le sentiment qu’en plus ils ont peut -être été trompés par elles !

Revenons sur ces deux derniers scandales qui nous éclairent…

Les subprimes ont d’abord révélé le cynisme, l’écart entre les discours et les actes. Cet été les banques françaises redoublaient de messages rassurant pour expliquer qu’elles n’étaient pas (ou si peu) touchées par les subprimes. Dans les faits, au même moment, le marché interbancaire est devenu sinistré, les banques refusant de se prêter de l’argent les unes aux autres. Trop risqué ! Bien placées pour évaluer leurs jumelles, elles les ont rejetées, les accusant ainsi implicitement d’avoir joué et perdu sur le marché, sans l’avoir jamais avoué… Ainsi, la communication des banques était¬elle en contradiction manifeste avec leurs actes. Première faute. Première alerte. Première révélation.

L’annonce des pertes de la Société Générale nous apporte dans la foulée la confirmation qu’une banque, parmi les plus réputées, a développé incroyablement plus de rigueur dans la maîtrise des (petits) risques de ses (petits) clients que dans le contrôle de ses propres activité « à risques » , se chiffrant en milliards d’euros : la légèreté est manifeste dans cette affaire, et chaque client punis d’agios pour avoir enfreint la règle du zéro défaut appréciera le droit à l’erreur de sa banque. On croyait la banque « froide et cartésienne ». On la découvre « joueuse », et capable de perdre ses nerfs. On la croyait pingre pour tous : elle ne l’était pas pour elle- même…dès lors que le gain était d’importance. Problème : ce visage est celui d’un spéculateur, mais devrait-il être celui d’une banque de réseaux !? Dans la catastrophe et la panique, la banque a retrouvé son âme de banquier vertueux, et trouvé rapidement un bouc émissaire. Froidement

Dans cette dernière circonstance, on ressent un écoeurement qui n’a pas échappé à l’opinion, et qui renvoie à la défense du faible au fort. Il y a ce mépris, ce cynisme. Terrible. Cette impression qu’une histoire indécente nous est livrée par un système pris en faute pour cacher « autre chose », pour se dédouaner piteusement, pour ne surtout pas être responsabilisés. Le scénario des derniers jours nous renvoie à cette histoire de l’employeur pressant ses gars implicitement au¬delà du contrat, et se réfugiant derrière la faute contractuelle pour se dédouaner de l’accident survenu. L’histoire nous renvoie aussi à une mauvaise copie de « JFK », avec un Oswald, trouvé en quelques minutes, et immédiatement identifié comme le seul assassin du président. Et la biographie déjà prête à l’emploi.

Incroyable ! Alors qu’il était impossible de savoir depuis cet été quel était l’engagement réel des banques françaises sur le crédit à risque américain, alors que le jeu s’est déglingué et que des milliards sont partis en fumée, les dirigeants jettent un de leurs employés en pâture à la presse et à l’opinion avant même que justice soit saisie ! En 24 heures, on sait tout de l’énergumène : son nom, son visage, son parcours, son salaire, son histoire – même sentimentale, et bien sûr ses innombrables défauts. Et la présomption d’innocence ? Si elle n’est pas du côté de l’employé, on la trouve tout de suite du côté de la banque : la Banque de France s’empresse de rassurer les clients d’une banque « encore plus solide que la semaine dernière ». On croit rêver ! Sommes- nous si bêtes ? Le clan des banquiers reste solidaire, quoiqu’il arrive…ou peut¬être hypocrite : mais qu’ont-ils à défendre de tellement important, qui nécessite un tel esprit de clan, contre le respect dû à la personne, même accusée de malhonnêteté ?

Puis l’affaire prend un tour politique. Un conseiller du président de la République annonce que le gouvernement soutiendra la banque face à tout risque de rachat par un « prédateur »… Ainsi, parce qu’elle est une banque, le pouvoir politique serait prêt à tout pour éviter qu’une société privée ne subisse les conséquences de ces erreurs gravissimes ? Le clan des banquiers, élargi aux politiques ? Comment justifier la défense « les yeux fermés » d’une direction, d’une organisation défaillante, d’un système qui a trompé l’opinion, alors que les plus petits ne bénéficient pas d’une mansuétude comparable, et surtout pas face à leur banquier ?

Attention aux associations malheureuses, aux amalgames…et aux dégâts politiques qu’ils provoquent ! Nicolas SARKOZY, a rapidement compris l’importance du mouvement d’opinion en marquant ses distances avec le président de la Société Générale. Souhaitons que ce ne soit qu’un début…et qu’il ne soit pas seul.

Car ce double scandale ouvre en réalité une opportunité : celle de corriger les dysfonctionnements manifestes du système bancaire, de remettre à plat, en transparence, les avantages qu’elles obtiennent des pouvoirs publics et leurs devoirs. De supprimer les abus. De favoriser la concurrence. De replacer surtout les banques dans un cadre qu’elles n’auraient jamais dû quitter : celui qui répond plus au besoin de financement de l’économie à long terme (en particulier pour les TPE et les PME) au bénéfice de notre collectivité toute entière, plutôt qu’à l’optimisation des profits à courtterme au bénéfice de ses seuls actionnaires –avec les dégâts que l’on constate parfois !

Le politique doit agir. Et vite !!!

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Quel engagement politique dans une société individualiste ?

Le temps de la lutte des classes et des utopies triomphantes est fini depuis longtemps, mais tous ne le savent pas. Le combat qui s’engage n’est pas celui d’un bloc contre un autre, d’un groupe contre un autre, d’une idée contre une autre, d’une civilisation contre une autre… C’est un combat présent en chacun de nous, entre cynisme et générosité, opportunisme et désintéressement, scepticisme et enthousiasme, résignation et volonté, passivité et action, désespérance et espoir,  colère et joie, peur et conviction… 

Ce combat n’a rien de théorique ou d’intellectuel. Il est au cœur de nos vies quotidiennes, et nous touche tous, que nous soyons enfermés dehors, un « sans toit – sans toi » ou un puissant parmi les puissants, jouant avec l’or du monde et gavé de succès et d’estime. Ce combat touche à notre humanité : à notre individualité, pour elle-même bien sûr, mais aussi en qualité d’élément d’un ensemble collectif, inscrit dans le prolongement d’un temps passé et déterminant un temps futur. C’est en cela que ce combat n’est pas seulement moral et personnel. Il est fondamentalement politique et collectif. Ce combat met en jeu nos valeurs parce qu’il met en jeu l’existence et la qualité de nos liens, la réalité présente et future de notre « vivre ensemble ». Il engage, par chacun d’entre nous, notre avenir collectif, pour chacun d’entre nous. 

Dans ce combat de chaque instant, la fragilité de notre société – de son modèle républicain, humaniste, social et libéral – est terrible. Il est assourdissant, ce silence de ceux qui doivent incarner nos repères communs, qui nous parlent pourtant, mais demeurent désespérément inaudibles. Dans un monde qui inquiète ou terrorise, nous nous trouvons « orphelins de repères », et cette impression écrase notre individualité, comme elle efface notre appartenance collective ! Elle nourrit nos peurs et nos ressentiments à l’égard des uns, des autres, d’un groupe ou d’un autre, qui nous apparaissent étrangers, alors nous n’avons en réalité jamais été aussi proches. Cette impression crispe nos échanges. Elle fige notre société. Elle favorise les renfermements communautaires. Elle désagrége le lien social. Elle attise les conflits. Elle justifie les pires lâchetés politiques, les compromissions, les actions barbares, et tant d’opportunismes… 

Mais à côté, combien de générosités, combien de gens admirables qui se battent, construisent, échangent, s’engagent, soutiennent ! Malgré cette fragilité, le poids du défaitisme, la puissance du cynisme, l’isolement, ces gens de toute appartenance ou de toute indépendance, de tout milieu et de toute condition, se battent pour donner un sens, pour donner un instant ou construire un futur, pour ne pas laisser la vie se délier. Cette force-là est prodigieuse, et elle se trouve partout. Pourquoi se sent-elle aussi faible, quand elle est aussi forte ? Parce qu’elle est sans cesse confrontée au scepticisme et au cynisme. Parce qu’elle est dispersée, diluée dans l’angoisse. Parce qu’elle est aussi noyée dans l’inertie. Parce que, parfois, elle doute d’elle-même et des autres, et se protège aussi en s’enfermant. 

Car, en réalité, la plupart d’entre nous demeurons passifs, trop sceptiques pour adhérer, trop inquiets pour s’intéresser, trop effrayés pour s’engager. Nous appartenons à la cohorte de ceux qui attendent, et qui en attendant « sous-vivent », dans notre bulle inconfortable et angoissante. Notre fragilité et notre doute permanent deviennent l’excuse de notre neutralité individuelle. Elles sont aussi le terreau des plus efficaces manipulations collectives. Combien de peuples ont ainsi basculé dans la folie politique, pour n’avoir pas su s’en prémunir ! 

La fragilité de notre société et de chacun d’entre nous nous oblige à la vigilance et à la responsabilité. Elle fait de l’engagement individuel un devoir collectif vital. A l’opposé de la naïveté de ceux qui pensent que les responsables, ce sont les autres et pensent protéger un monde perdu d’avance. A l’opposé du cynisme de ceux qui pensent qu’il n’y a que des responsables et ont déjà perdu leur monde. Nous nous devons aujourd’hui de rassembler l’énergie positive de notre pays. C’est la justification individuelle de l’engagement politique, qu’il soit partisan ou citoyen.

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